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Le roman médiéval d’Apollonius de Tyr

manuscrit

romanDeTyrLe Roman d’Apollonius de Tyr, est une œuvre anonyme d’époque médiévale adaptée du roman latin Historia Apollonii regis Tyri.

Cette version française date du  XVe siècle

Les extraits de texte ci-après sont publiés et traduits d’après le manuscrit de Vienne (Nationalbibliothek 3428) par Michel Zink, collection Lettres Gothiques – éditions Livre de Poche, 2006.

extrait 1

Extraits du roman

1er passage proposé : le début du roman

DU NOBLE ROY APOLONIE HISTOIRE DU NOBLE ROI APOLLONIUS
Seigneurs, or entendez ystoire de tres grant seigneurie et de noble lignee. Il y eust jadiz ung roy, qui de son droit heritaige estoit roy de Anthioche, d’Arrabe, de Ethiope et de Tarce. Ces .III. royaumes avoit il a justicier, et avoit nom Thobie et sa femme Sarra. Icelluy roy ala de vie a trepassement, luy et sa femme, et laisserent ung filz de l’aage de sept ans, lequel avoit nom Apolonie. Les seigneur et barons du païs virent que l’enffant estoit trop jeune pour tenir les noblesses des autre royaumes, et eslirent a estre regent et gouverneur de l’enfant et de sa terre ung du lignaige qui estoit grant et puissant chevalier, at avoit nom Antyocus. Icelluy Antyocus envoya l’enffant nourrir et apprandre l’art de chevalerie et a jouer de la harpe en Tarce. Et a icelluy royaume transmist ung prevost qui estoit tout gouverneur du pays de Tarse et qui delivroit toute la despence d’icelluy enfant. Il y eust grant quantité des barons du pays qui, pour l’amoir qu’ilz avoient au pere et mere de Apolonie, qui lui porterent grant honneur et grant foy, et luy tindrent moult loyalle compaignie et lui aprindrent a jouer de la harpe et a aler voler et a bhourder. Et tant que en l’aage de .XII. ans il savoit bien et honneur et le maintien de chevallerie. Et estoit parlé de lui en mainte partie, et n’y avoit celluy qui n’eust voulu qu’il eust jouy de sa terre at que il feust roy couronné. Seigneurs, écoutez l’histoire de personnages très puissants et de noble lignée. Il y avait jadis un roi qui était l’héritier légitime et le souverain des royaumes d’Antioche, d’Arabie, d’Ethiopie et de Tarse : tous les trois étaient sous sa loi. Il s’appelait Tobie et sa femme Sarah. Ce roi mourut, sa femme aussi, et ils laissèrent un fils âgé de sept ans, qui avait nom Apollonius. Les seigneurs et les barons du pays virent que l’enfant était trop jeune pour tenir sous son autorité la noblesse des quatre royaumes, et ils choisirent pour être le régent et le gouverneur de l’enfant et de ses possessions un très puissant chevalier de la famille royale, nommé Antiochus. Celui-ci envoya l’enfant à Tarse pour y recevoir son éducation et y apprendre l’art de chevalerie et à jouer de la harpe. Et il envoya dans ce royaume un prévôt avec tout pouvoir pour gouverner le pays de tarse et subvenir à la dépense de cet enfant. Nombreux furent les barons de ce pays qui, pour l’amour qu’ils portaient au père et à la mère d’Apollonius, lui firent grand honneur, lui témoignèrent une grande fidélité, lui tinrent compagnie très loyalment, et lui apprirent à jouer de la harpe, à chasser l’oiseau et à jouter. Tant et si bien qu’à l’âge de douze ans il était élevé dans les règles de l’honneur, et un chevalier accompli. On parlait de lui en maint lieu, et il n’était personne qui n’eût voulu le voir en possession de ses domaines et couronné roi.

extrait 2

2e passage proposé : la résolution de l’énigme du roi Antiochus

La fille du roi Antiochus était si belle…

DU NOBLE ROY APOLONIE HISTOIRE DU NOBLE ROI APOLLONIUS
Tant que plusieurs princes de nom la faisoient demander a femme. Et quant Antyocus apparceut que il n’auroit ja pais se il ne la marioit, il fist ung devinai en grec par temme maniere que il falloit être bon clerc qui le savoit lire. Et fut dist que celluy qui le saroit lire aroit la demoiselle a femme, et cellui qui fauldroit auroit la teste couppee et mise a la porte de la tourt. Si en vint jusques a cinquante chevaliers, qui tous faillirent et eurent les chiefz couppez. Si bien que plusieurs princes bien nés la firent demander en mariage. Et quand Antiochus se rendit compte qu’il ne serait jamais tranquille s’il ne la mariait pas, il fit une devinette en grec, telle qu’il fallait être bien savant pour savoir la lire. Et il fut proclamé que celui qui saurait la lire aurait la demoiselle pour femme et que celui qui échouerait aurait la tête coupée et accrochée à la porte de la tour. une bonne cinquantaine de chevaliers se présentèrent, qui tous échouèrent et eurent la tête coupée.

Mais le docte Apollonius n’aura aucune difficulté à traduire en latin la devinette grecque…

extrait 3

3e passage proposé : la bataille des prétendants

Le roi de Cyrène a lui aussi une belle fille à marier et nombreux se la disputent…

DU NOBLE ROY APOLONIE HISTOIRE DU NOBLE ROI APOLLONIUS
Lors s’en vint le roy derechief a sa fille et luy dist : «Bele fille, tout ce païs est en grant meschief et en grant guerre par vous.» Et lors commença a plorer. Et l’andemain au matin trompectes, cors, tabours et oliphans ouissiés bonder, et yssirent hors de la ville pour grever leurs ennemis. Et les deux filz de roy estoient sur les champs appareillez pour combattre et adommaiger l’un l’autre, et ourna fort la partie sur les gens du roy de Sirene.

Adonc s’en vint la damoiselle a son maistre et luy dist : « Mon tres doultx maistre, savez vous riens de porter armes ? – Dame, dist il aucune chose j’en scez, et se je avoie armes a mon gré, je les cuideroie bien employer.» Lors luy fist apporter unes nobles armeures bonnes et seures de tout quanque il fault a chevalier, et s’en arma, et monta sur ung bon palefroy qui estoit a la dame, car il n’en avoit point d’autre, et s’en yssist de la cité et se frappa en l’ost, et courut sus a l’adverse partie, et le premier qu’il encontra abatist jus de son cheval et parsa le cuer, et chey mort. Et ainsi fist il au second et au tiers et au quart. Et quant les gens du roy de Chipre virent qu’il les menoit si mal ainsi, tous luy tournerent le dos. et lors le roy de Sirene ala si avant que le roy de Chippre le print par le frain et le menoit en son tref, quant Apolonie le reconist et frappa de son branc d’acier tellement le roy de Chippre que lui embarra son heaulme en la teste et l’abat a terre.

Alors le roi s’en retourna aussitôt auprès de sa fille et lui dit : « Chère fille, tout ce pays subit un grand malheur et une grande guerre à cause de vous.» Et elle se mit à pleurer. Le lendemain matin, vous auriez pu entendre retentir les trompettes, les cors, les tambours et les olifants, et ils sortirent de la ville pour mettre à mal leurs ennemis. Et les deux fils de roi étaient sur le champ, tout prêts à combattre et à faire subir des dommages à l’adversaire ; et les gens du roi de Cyrène eurent nettement le dessous.

La demoiselle s’en vint alors trouver son précepteur et lui dit : « Mon très cher maître, avez-vous quelque compétence dans le métier des armes ? – Madame, dit-il, je m’y connais un peu, et, si j’avais des armes à ma convenance, je crois que j’en ferai bon usage.» Alors elle lui fit apporter un armement magnifique, de bonne qualité et comprenant tout ce qui est nécessaire à un chevalier. Il s’en arma, monta sur un bon palefroi qui était à la dame, car il n’avait pas d’autre cheval, sortit de la cité, se jeta au milieu de l’armée et courut sus à la partie adverse. Et le premier qu’il rencontra, il l’abattit de son cheval et lui perça le cœur, et l’autre tomba mort. Il fit subir le même sort au second, au troisième, au quatrième. Quand les gens du roi de Chypre virent qu’il les malmenait ainsi, tous lui tournèrent le dos. À ce moment, le roi de Cyrène s’avança si loin que le roi de Chypre le prit par le frein de son cheval, et l’entraînait vers sa tente quand Apollonius le reconnut et porta au roi de Chypre un tel coup de son épée d’acier qu’il lui faussa son heaume en le lui enfonçant sur la tête et qu’il abattit à terre.

 

questionnaire de lecture sur les trois extraits

Le roman médiéval d’Apollonius de Tyr

questionnaire de lecture sur les trois extraits

Version à imprimer des textes avec questionnaire de lecture (format PDF)

lisez attentivement les trois extraits  et répondez ensuite au questionnaire

Questions générales

1) De quand date le Roman d’Apollonius de Tyr version anonyme en ancien français ?

2) Est-ce une traduction fidèle du roman latin ou une adaptation ? Qu’est-ce qui vous permet de répondre ?

3) Pouvez-vous facilement comprendre le texte en ancien français ? pourquoi ?

Questions à propos de l’extrait 1

4) Comparez l’ancien français avec le français dit moderne

– citez trois mots ayant changé d’orthographe.

– que veut dire «trépassement» ? «moult» ? «bhourder» ?

5) Quelle fut l’éducation d’Apollonius selon ce texte ?

6) L’éducation d’Apollonius pouvait-elle être la même dans l’Antiquité ? Pourquoi ?

7) Pour quelle raison le texte médiéval a-t-il procédé à cette modification de l’éducation d’Apollonius ?

Questions à propos de l’extrait 2

8) Comparez l’ancien français avec le français dit moderne

– que veut dire «clerc» ? «fauldrait» ? «chiefs» ?

9) Donnez un synonyme de «docte».

10) La connaissance du grec était-elle fréquente au Moyen-âge ? justifiez votre réponse.

Questions à propos de l’extrait 3

11) Comparez l’ancien français avec le français dit moderne

– que veut dire «derechief» ? «meschief» ? «chiefs» ?

12) Qu’est-ce qu’un olifant ? cor de chasse en ivoire ☐ trompette ☐ tambourin ☐ cithare ☐

13) Qu’est-ce qu’un palefroi ? cheval de guerre ☐ cheval de parade ☐ mulet ☐ cheval de bât ☐

14) Qu’est-ce qu’un heaume ? bouclier ☐ casque ☐ cotte de maille ☐ éperons ☐

15) De quelle qualité fait preuve Apollonius selon ce texte ?

16) Montrez combien ce récit guerrier se rattache à la chanson de geste médiévale.

17) Pour quelle raison la version médiévale a-t-elle ajouté ces exploits guerriers d’Apollonius ?